Lorsque le festival impérial de Wiesbaden fut inauguré en 1896 "sur l'ordre suprême de Sa Majesté" dans le théâtre nouvellement construit sur la digue chaude, il s'agissait de conférer à la résidence secondaire de l'empereur un éclat digne de la capitale. La cour, le corps diplomatique, l'aristocratie et la grande bourgeoisie cherchaient des lieux de représentation : l'art de la scène leur offrait des occasions de se montrer en grande tenue de soirée, ce qui supposait toutefois le respect de l'étiquette vestimentaire de la cour. Des critères stricts imposaient en effet le "smoking" pour les hommes, et seul le respect d'un décolleté minimum - une lubie de l'empereur - permettait soi-disant aux femmes d'entrer : on colportait même, en exagérant ironiquement, que les femmes du vestiaire avaient à portée de main un centimètre et des ciseaux pour élargir les découpes de vêtements non conformes au règlement. Des décennies plus tard, les témoins oculaires s'extasiaient encore devant l'éclat des perles et des diamants, des décorations et des diadèmes. En bref, l'élite sociale de l'ère wilhelmienne faisait la fête.

Sur scène, il y avait de grands opéras, au théâtre, des représentations pompeuses de classiques. Enrico Caruso, qui recevait d'ailleurs un cachet de 10.000 marks or par soir (aujourd'hui, cela correspondrait à la coquette somme de plus de 100.000 euros), se produisait par exemple dans son rôle mondialement connu de duc de Mantoue dans "Rigoletto" de Verdi. Le goût de Guillaume II pour une théâtralité débordante et un luxe scénique marqua tout le style théâtral de Wiesbaden de l'époque, qui - quoi qu'on en pense aujourd'hui - fut très apprécié car il répondait au besoin de luxe et de plaisir.